Le plus grand secteur à décarboner dans le monde est le secteur de l’énergie, tant en termes d’électricité que de transport.

Inventaire mondial sur le changement climatique : où en sommes-nous ?

Au jargon climatique qui s’est créé de manière exponentielle autour des accords pour faire face au changement climatique, dans lequel des acronymes s’ajoutent à chaque phrase, il faut désormais en ajouter un de plus : la GST, de l’anglais Global Stocktake. Il s’agit de l’inventaire mondial, basé sur plus de 1 600 documents, dont l’objectif est d’évaluer tous les cinq ans la réponse mondiale à la crise climatique. Le premier de ces rapports a été présenté il y a quelques semaines et donnera le ton du prochain Sommet des Nations Unies sur le climat (ou COP28) qui se tiendra à Dubaï, aux Émirats arabes unis, du 30 novembre au 12 décembre.

Le document compte 46 pages. Il s’articule autour des trois principaux piliers sur lesquels reposent les dialogues internationaux : l’atténuation, l’adaptation (y compris les pertes et dommages) et le financement climatique. Et, comme le précise le World Resource Institute (WRI), il présente un aperçu des actions climatiques dans le monde sans se concentrer sur les recommandations par pays ou région. En d’autres termes, il s’agit de faire le point sur ce qui a été fait jusqu’à présent.

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Ils sont 17 conclusions principales ce qu’il apporte. Mais il est difficile de dire qu’il y a quelque chose de nouveau dans ses pages, et son utilité pourrait être de fournir un bon résumé de la situation mondiale dans la tentative de mettre fin à la crise climatique. En fait, Fiona Harvey, rédactrice en chef environnementale du journal britannique The Guardian, a critiqué le fait que le rapport « ne détaille pas quels pays sont en retard, ni ne contient de recommandations spécifiques destinées à des pays ou des régions spécifiques ». Au lieu de cela, a-t-il ajouté, « la situation mondiale est décrite en termes généraux et largement prévisibles ».

La majeure partie de la couverture médiatique accordée à la TPS s’est concentrée sur un léger changement de langage des Nations Unies concernant les combustibles fossiles, annonçant que, pour atteindre zéro émission nette de gaz à effet de serre qui génèrent le réchauffement climatique, y compris le dioxyde de carbone (CO2) et le méthane, « Des transformations des systèmes sont nécessaires dans tous les secteurs et contextes, y compris l’augmentation des énergies renouvelables tout en éliminant progressivement tous les combustibles fossiles. »

Pour Enrique Maurtua Konstantinidis, consultant international en politique climatique, trois scénarios attendent ce rapport à la COP28. Un premier scénario est qu’il soit ajouté en annexe à la décision finale prise par les pays, avec le risque que certains préfèrent le bloquer (rappelons que, dans ces sommets climatiques, toutes les décisions sont prises par consensus). Un deuxième scénario serait que les conclusions servent à nourrir et à construire « cette décision politique » sur les questions d’atténuation, d’adaptation et de financement. Et la troisième est que son importance soit réduite à une brève mention très modeste, ce qui serait « moins souhaitable car cela diminuerait l’importance de ce travail de deux ans ».

Ici, un résumé des principales conclusions du premier GST, avec quelques données pertinentes.

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Etat de la situation

Conclusion 1 : Le monde n’est pas en bonne voie pour atteindre les objectifs convenus dans l’Accord de Paris visant à maintenir la température moyenne mondiale en dessous de 1,5°C par rapport aux niveaux préindustriels d’ici la fin du siècle. Il existe cependant des avancées importantes.

En 2010, l’augmentation projetée de la température mondiale d’ici 2100 était de 3,7 à 4,8°C. Selon les annonces faites par les pays en 2022, on se dirige vers une augmentation comprise entre 2,4 et 2,6°C. Le pic des émissions de gaz à effet de serre n’a pas encore été atteint, mais il devrait survenir avant 2025.

Conclusion 2 : La réponse des gouvernements et des autres acteurs doit être accélérée en soutenant les transformations des systèmes qui intègrent la résilience climatique et le développement à faibles émissions de GES.

Conclusion 3 : Les transformations des systèmes ouvrent de nombreuses opportunités, mais les changements rapides peuvent être perturbateurs. D’où la nécessité de se concentrer sur l’inclusion et l’équité lors de la prise de décisions en faveur du changement.

Notez ici que, lorsqu’on parle d’équité, la TPS le fait dans un contexte d’inclusion et d’ambition, et non dans une perspective de justice. Il est également important de souligner que, bien qu’à peine, les droits de l’homme et les droits des peuples autochtones sont mentionnés dans le document. Il n’en va pas de même pour les questions de genre.

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Conclusion 4 : Le temps presse pour limiter le réchauffement climatique à 1,5°C par rapport aux niveaux préindustriels. Les pays doivent accroître leurs engagements.

Sur la base des contributions déterminées au niveau national (CDN) actuelles – les plans que chaque pays a élaborés, en fonction de ses circonstances spécifiques et de son ambition climatique, pour atténuer le changement climatique et s’y adapter – il reste nécessaire de réduire entre 20,3 et 23,9 gigatonnes d’équivalent CO2. (Gt CO2eq) d’ici 2030. Une gigatonne de CO2 équivaut au volume d’un milliard de piscines d’environ 10 mètres de large, 25 mètres de long et deux mètres de profondeur.

Atténuation

Conclusion 5 : La mise en œuvre de mesures nationales d’atténuation doit être accélérée. De nombreuses solutions viables existent déjà.

Certaines options d’atténuation sont en fait plus rentables que leurs alternatives à émissions élevées. Par exemple : des options d’atténuation coûtant 100 $ par tonne d’équivalent CO2 ou moins (avec un potentiel de réduction net de 31 à 44 Gt d’équivalent CO2) pourraient réduire les émissions mondiales de gaz à effet de serre d’au moins la moitié du niveau de 2019 d’ici 2030.

Conclusion 6 : Atteindre zéro émission nette de CO2 dans le monde d’ici le milieu du siècle nécessite une décarbonation radicale de tous les secteurs de l’économie et une réduction de la déforestation.

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Entre 2010 et 2019, les tendances en matière d’énergies renouvelables ont été très prometteuses, avec des réductions notables des coûts unitaires pour le solaire (85 %), l’éolien (55 %) et les batteries lithium-ion (85 %). Réduire rapidement la dépendance de l’économie mondiale aux combustibles fossiles en faveur de sources propres est essentiel pour atteindre l’objectif mondial de zéro émission nette de gaz à effet de serre.

En revanche, et malgré sa diminution depuis 2000, le taux de déforestation dans le monde reste élevé. 95 % sont produits sous les tropiques, mais encouragés par les consommateurs du monde entier.

Conclusion 7 : Des transitions justes se traduisent par des résultats d’atténuation plus forts et plus équitables. Il existe de nombreux cadres et critères pour évaluer l’équité et l’ambition, mais aucun d’entre eux ne bénéficie d’un soutien universel.

Conclusion 8 : La diversification économique est une stratégie clé pour faire face aux impacts que pourraient avoir les mesures de réponse à la crise climatique.

Par exemple, on estime que la création d’emplois à l’échelle mondiale résultant de transitions énergétiques justes est potentiellement 3,5 fois supérieure aux pertes d’emplois en 2030.

Adaptation, y compris les pertes et dommages

Conclusion 9 : Des mesures d’adaptation supplémentaires sont nécessaires de toute urgence, tout comme des efforts accrus pour éviter, minimiser et remédier aux pertes et dommages associés aux événements climatiques extrêmes.

Conclusion 10 : Jusqu’à présent, la plupart des efforts d’adaptation sont fragmentaires, progressifs, sectoriels et inégalement répartis entre les régions.

Au 31 août 2022, 84 % des pays disposaient d’au moins un instrument de planification de l’adaptation (qu’il s’agisse d’un plan, d’une stratégie, d’une loi ou d’une politique). Au total, 140 pays élaborent leur plan national d’adaptation.

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Conclusion 11 : Lorsque les mesures d’adaptation sont correctement informées et soutenues par les populations, leur efficacité et leur adoption augmentent.

Conclusion 12 : Éviter, minimiser et traiter les pertes et les dommages nécessite une action urgente dans le cadre des politiques climatiques et de développement, afin de gérer de manière globale les risques et de fournir un soutien aux communautés affectées.

Financement climatique

La TPS appelle clairement à un financement accru afin que les pays en développement puissent atténuer la crise climatique, mais surtout pour qu’ils puissent s’y adapter et faire face aux pertes et aux dommages. Cependant, il ne précise ni les montants, ni les objectifs à cet égard, ni les délais.

Conclusion 13 : Les dispositifs de financement visant à éviter, minimiser et remédier aux pertes et dommages doivent être élargis rapidement.

Conclusion 14 : Mobiliser à plus grande échelle le soutien à l’action climatique dans les pays en développement nécessite un déploiement stratégique des finances publiques internationales.

(Lire : Le nombre d’espèces en danger d’extinction atteindrait 2 millions : ONU)

Depuis l’adoption de l’Accord de Paris en 2015 jusqu’en 2019, les flux de financement public climatique des pays développés vers les pays en développement sont passés de 30 milliards de dollars à 40,1 milliards de dollars. C’est-à-dire bien en dessous les 100 milliards de dollars que, en 2009, les pays développés ont promis de lever d’ici 2020 et chaque année par la suite pour répondre aux besoins d’atténuation et d’adaptation des pays en développement. Pendant ce temps, les banques multilatérales de développement ont fourni 45,9 milliards de dollars en 2019.

Conclusion 15 : Rendre les flux financiers nationaux et internationaux, publics et privés, cohérents avec une trajectoire vers un développement à faibles émissions de gaz à effet de serre et résilient au changement climatique signifie créer des opportunités pour débloquer des milliards de dollars.

En 2021, le nombre de mesures, politiques et réglementations en faveur de la finance verte a augmenté de 16 % par rapport à 2020, portant le total à 648 mesures enregistrées dans plus de 100 juridictions à travers le monde.

De nombreux investissements continuent de soutenir des modèles qui ne contribuent pas à l’atténuation. Un exemple en est les 892 milliards de dollars qui, en moyenne, sont investis chaque année dans les combustibles fossiles, et les 450 milliards de dollars qui leur sont alloués chaque année sous forme de subventions.

Vers l’avant

Conclusion 16 : Il est nécessaire de déployer rapidement les technologies plus propres existantes, ainsi que d’accélérer l’innovation, le développement et la transparence des nouvelles technologies, pour répondre aux besoins des pays en développement.

Conclusion 17 : Le renforcement des capacités est essentiel pour parvenir à une action climatique large et durable, et nécessite une coopération efficace pour garantir que les capacités sont améliorées et maintenues au fil du temps à tous les niveaux.

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Pa’olelei Luteru, président de l’Alliance des petits États insulaires, résume la TPS en une phrase : « Nous sommes de petites îles confrontées à une énorme crise. Le rapport nous porte un autre coup dévastateur. Cela confirme que le monde est terriblement en retard en matière d’action climatique pour faire face aux pics d’émissions et limiter le réchauffement de notre planète à 1,5°C. « Nos petits États insulaires en développement continueront de payer le prix de l’inertie des grands pays. »

« Pour les pays qui ont le plus contribué à la crise actuelle, il s’agit du message ‘guérissez-vous’ le plus fort que la communauté internationale puisse transmettre », conclut Rachel Kyte, doyenne émérite de l’Université Tufts. « Nous espérons désormais que la COP28 et la route vers Dubaï apporteront la réponse proportionnelle dont nous avons besoin. »

*Cet article fait partie de COMUNIDAD PLANETA, un projet journalistique mené par Periodistas por el Planeta (PxP) en Amérique latine. Il a été réalisé dans le cadre de l’initiative « Planet Community at COP28 ».

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